Carte postale d’Irlande du nord – 2006

Nous sommes arrivés tôt à Belfast et John venait nous prendre à 18h au terminus d’autobus.

 

J’ai demandé à un agent de sécurité où je pourrais trouver des casiers pour laisser nos sacs. il m’a regardé éberlué et a répondu : « nous n’avons pas de casier à Belfast parce les gens y mettraient des bombes ».

 

Bienvenue en Irlande du Nord.

 

Nous arrivons à Belfast en pleine fierté gaie. La seule chose qu’on peut en dire c’est que c’est beaucoup moins festif qu’à Montréal, et qu’il y a beaucoup de policiers pour le petit nombre de manifestants. La même célébration à Reykjavik l’année suivante nous convaincra que Belfast est une ville triste.

 

John nous retrouve à l’heure dite, et nous voilà partis pour une nouvelle aventure. Nous avons la chance de marcher avec  un personnage massif et coloré, le propriétaire de l’agence de trek.

 

Au fil des sentiers, il nous apprend que jadis, la marche pour lui représentait l’effort nécessaire entre le bar et les toilettes et qu’un jour, il a rencontré une fille qui lui a montré que ça pouvait être autre chose.

 

Il boite et explique qu’il fait partie des rares cas (à l’époque) de maladie de Lyme. Il a paralysé et a du être hospitalisé un bon moment. Il a réappris à marcher, mais rien ne pouvait venir à bout de ce personnage boqué mais tellement sympathique.

 

 

Départ pour le trek

 

Les deux premiers jours, il a plu. Les bottes étaient mouillées chaque soir. Nous nous battions pour le papier journal.

 

Le papier journal roulé en boule dans les bottes absorbe l’humidité et permet des lendemains moins inconfortables.

 

 

Jour 1: collines de Belfast

 

L’Irlande est belle quand le temps est humide. Tout est vert. J’ai développé une lubie de prendre des moutons en photo. 2006 est notre premier voyage avec des appareils photo numériques. Hourra ! Je ne suis plus restreinte dans ma consommation de films !  Mais la pluie me freine tout de même un peu dans mes élans.

 

 

Jour 2: ascension du plateau derrière Carnlough

 

 

Deuxième jour de pluie. Oui, l’Irlande est aussi belle. On dirait que de passer une journée à la pluie sans se donner le moyen de changer d’idée donne un goût particulier à la bière en fin de journée.

 

 

Jour 3: nous longeons la côte des montagnes Antrim

 

Les falaises d’Antrim sont teintées d’or qui semble colorer l’eau et la rendre plus turquoise.

 

John me demande si j’ai une pince à sourcils. J’ai tout ça avec moi et j’observe son calme avec admiration quand il extrait une tique aux pattes noires de sa jambe. Avoir été contaminée, il me semble que j’aurais fait montre de plus de nervosité. Quel flegme.

 

Comme nous longeons les côtes en après-midi, le vent se fait plus violent. Nous marchons à la queue leu leu. John prend une des filles par le bras et lui dit qu’il  a peur qu’elle parte au vent. Elle doit faire 30 livres de moins que moi, et je dois avouer que je m’agrippe  aux clôtures de bétail.

 

Mes bottes étaient sèches aujourd’hui. Seulement, à un moment donné, sur le parcours, John s’est immobilisé et a regardé le sol avec inquiétude. L’herbe était un peu trempée en surface.

 

Comme je ne comprenais pas ce qui l’inquiétait, j’y suis allée d’un grand pas dynamique et autoritaire. Ça n’a pas pris 2 pas que je me faisais aspirer par le sol. J’ai eu de l’eau jusqu’au genoux  le temps de le dire.  Je me suis jetée par terre, et j’ai rampé de désespoir tant que j’ai pu. Quand j’ai senti le sol solide sous moi, j’ai levé la tête, et ils étaient tous là, l’autre bord de la flaque, à me regarder. Ils ont applaudi et m’ont octroyé 8/10 pour ma performance.

 

Ce soir-là, j’ai eu le papier journal pour moi toute seule.

 

Jour 4: Ballycastle – tour de bateau sur les Îles de Tarhlin

 

Le vent ne cesse pas. Nous prenons le bateau pour l’île de Tarhlin. C’est une île qui n’est plus habitée aujourd’hui, mais des gens y viennent encore, ils y laissent leurs moutons, et passent des jours de ci de là. Il n’y a plus de magasin ni d’église, ni de restaurant.

 

John, René et quelques-uns sont restés dehors sur le bateau malgré le vent, le froid et la pluie. J’ai préféré l’intérieur du bateau, je n’avais pas envie de me faire mouiller avant de commencer la journée.

 

Quand les gens ont commencé à être malades et que l’odeur sûre de leurs restitutions m’est montée au nez, je suis allée rejoindre les gars dehors. Évidemment, comme j’avais fait ma princesse dès le départ, il ne restait plus de places de choix.

 

Mais rendue là, ça ne me dérangeait plus d’être mouillée, tant que je ne respirais pas trop le pétrole du bateau, mon estomac allait pouvoir subir la traversée.

 

La température en Irlande est changeante, et locale. Sur une île donnée, on peut subir un orage à l’est, et ne recevoir que des gouttes à l’ouest. C’est du brouillard que nous avons eu.

 

Il n’y a rien sur l’île qui vaille le déplacement que le paysage, la vue, les moutons et les sentiers.

 

Jour 5: Visite au pont suspendu de Carrickarede et marche sur la falaise de Causeway

 

Le vent est trop puissant, nous ne pourrons pas traverser le pont suspendu.

 

Nous reprenons notre sentier, il vente toujours autant. Toute la journée, le vent nous berce, couche les herbes et nous endort. Ça fait maintenant 5 jours que nous marchons sans rencontrer beaucoup de gens.

 

Nous nous habituons à l’intimité de notre groupe. Nous marchons ensemble vers une curiosité naturelle qui a inspiré de nombreuses légendes.

 

 

Jour 6: Visite de la chaussée de géants

 

Le vent, toujours le vent. Aujourd’hui c’est une marche qui nous mène à notre destination: la chaussée des géants. Plus nous approchons du but, plus nous rencontrons des gens.

 

Les gens viennent en autobus à la chaussée des géants. Et nous on a marché contre le  vent tout ce temps pour se retrouver dans une foule de … touristes en autocar…

 

On a tout de même pu calmement pu apercevoir l’ocre de la terre à l’approche, les immenses colonnes de basalte, surnommées « l’orgue des géants » puis la chaussée.  Je me souvenais une photo vue toute jeune.  Je savais qu’il y avait entre moi et cette photo un lien. C’est de cette découverte que m’est venue l’idée d’un roman.

 

 

Belfast

 

Je ne connais pas les barbelés. Je ne connais pas beaucoup l’histoire de l’Irlande du nord, mais juste assez pour savoir que la religion a divisé et divise toujours ses occupants. Les orangistes habillent leurs quartiers de drapeaux à la victoire de Guillaume l’Orange, ce qui attise les flammes.

 

On voit des murales peintes sur le flanc des murs partout à Belfast. Toutes à connotation politique. Toutes rappelant tel ou tel événement, depuis que j’ai vu Belfast, je ne peux pas écouter Sunday bloody Sunday de U2 sans un pincement au cœur. Chaque attaque est répertoriée, il n’y aura de paix que quand livres seront balancés, mais de part et d’autre on ne compte pas de la même manière.

 

La marche dans Belfast m’a confrontée à une réalité inconnue jusque là.

 

En 2007, le parlement de Londres annonçait son intention de redonner à l’Irlande du nord la gestion de son parlement.

 

Londonderry (Derry)

 

Pareil pour (London)Derry. Même conflit, même représentation, même désir de ne pas en finir. Tout est pareil, sauf le fait que la ville de Londonderry est ceinturée par un mur. Il y a l’intérieur et l’extérieur, ce qu’il n’y a pas à Belfast.

 

Newgrange

 

Pour se rendre à Newgrange, il a fallu passer la barrière invisible entre le nord et le sud. Si rien n’a marqué le changement de zone dans le train qui nous emmenait vers le sud, dès l’arrivée, nous avons senti un relâchement de cette tension si présente au nord.

 

Newgrange est le plus vieil observatoire solaire au monde. Sa construction aurait duré plus de 70 ans. Le tertre principal aura nécessité 200,000 tonnes de pierres à une époque où ni la roue ni les outils de métal n’étaient connus.

 

 Newcastle

 

Pour fuir la morosité de Belfast, nous nous sommes évadés au pays des retraités, à Newcastle.

 

Nous avons pris le chemin des montagnes de Mourne, avons escaladé une partie. Il faut savoir que c’était encore l’époque où René attaquait les montagnes de front: droit devant. Il a appris depuis que même les moutons n’attaquent jamais les montagnes de front.

 

La montagne s’amadoue un pas à la fois en cherchant la veine de la roche qui mènera au cœur de la montagne.